Du Cacaoyer au Chocolat – Escale I
L’histoire du chocolat débute au matin du monde…
Enfin je vous retrouve avant la fin de l’année !
Le temps a filé comme l’eau d’un ruisseau à la fonte des neiges… Pour terminer l’année en beauté, sous le signe de l’Histoire et de la gourmandise, le vous embarque dans une aventure chocolatée en 4 escales.
Ce mois-ci, départ du quai de Toulouse pour la plus grande partie de notre voyage.
- Pour notre 1ère escale, nous accosterons en Amérique pour pénétrer l’épaisse forêt située entre l’Orénoque et l’Amazone. Nous reprendrons la mer. L’Histoire mettra le cap vers les civilisations précolombiennes jusqu’au XXe siècle.
- Lors de notre 2ème escale, nous nous pencherons sur la culture du cacao et son commerce.
- Forts de ces connaissances, nous apprécierons d’avantage notre 3ème et dernière escale de novembre, qui aura pour thème la transformation du cacao en chocolat.
En décembre, la 4ème et ultime escale du voyage chocolaté… Arômes, saveur, odeur, goût, le temps sera à la dégustation avec quelques notions utiles pour déguster nos chocolats de fin d’année. Pour se rassurer des kilos offerts par nos abus gastronomiques, je terminerai avec quelques mots sur les bienfaits du chocolat pour notre santé. Promis je serai moins prolixe le mois prochain !
Pour ce grand voyage gourmand nous sommes accompagnés par l’un des 10 meilleurs artisans-chocolatiers de France : Jérémy Fages. Une très belle adresse toulousaine…
Marron foncé, profond, chaud, aux reflets rouges, ton acajou sombre, acacia ou encore couleur de caramel… le chocolat est ce supplément d’âme aimé par 9 personnes sur 10… et, dit-on dans ce cas : la dixième personne ment » !
L’histoire du chocolat débute au matin du monde, au creux d’une épaisse forêt située entre l’Orénoque et l’Amazone. À l’ombre des grands arbres, entre le niveau de la mer et jusqu’à 600/800 mètres d’altitude, pousse un arbre qui se plait le long de la ligne des Tropiques : le cacaoyer.
Le cacaoyer est un arbre délicat. Il lui faut une température de 25 à 30 degrés et 85% d’humidité ambiante. Dans ces conditions, il ne pousse que dans les zones équatoriales d’Amérique, d’Afrique et d’Indonésie.
Si la saison sèche dépasse 3 mois, il ne se développe plus. Si la température descend en dessous de 10 degrés, il gèle. La vie du cacaoyer dépend donc de conditions bioclimatiques très précises… D’ici 2050, les principaux pays producteurs de cacao pourraient subir une hausse de température de 2,1°C. Avec le réchauffement climatique et l’extension des zones sahéliennes, l’avenir du développement des cacaoyers est réellement préoccupant.
À l’approche des fêtes de fin d’année, je suis heureuse de faire avec vous le fabuleux voyage du cacao au chocolat. Ce sujet est un vrai régal. J’ai donc à cœur de vous embarquer dans cette épopée du chocolat, produit si délicat qui fait jubiler nos papilles.
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Faisons plus ample connaissance avec notre guide Jérémy, artisan-chocolatier de la chocolaterie Cacaofages.
Cacaofages, c’est l’histoire de Jérémy et Sylvain Fages, 2 frères originaires du Lot. Leur rêve ? Créer et gérer une entreprise familiale à Toulouse, plus précisément une chocolaterie, qui plus est récompensée de l’Award de l’Harmonie du Club des Croqueurs de Chocolat en novembre 2021.
Sylvain, après une carrière dans l’aéronautique, gère l’entreprise et soutient la démarche de son frère. Jérémy, passionné par l’art et la pâtisserie (et la cuisine aussi), allie ses 2 passions en travaillant le chocolat comme matière première. Parmi ses créations artistiques : une reproduction de la toile « Le critique d’art » du peintre américain Peter SAUL, considéré comme l’un des pères du Pop art et exposé au musée des Abattoirs, Toulouse lors de la saison 2019-2020. Plus récemment, en mai 2022, une exposition préparée avec le graffeur toulousain CEET Fouad, connu pour « Le Chicanos », un de ses poulets hauts en couleurs…
En 2011, Jérémy a gagné la Coupe de France des jeunes chocolatiers. Depuis il ne cesse de remporter des prix.
En novembre 2017, il y a tout juste 5 ans, Sylvain et Jérémy créent leur lieu atypique « avec sérieux mais sans se prendre au sérieux ». Le concept ? Un laboratoire-boutique, également galerie d’art et salon de dégustation. Cette pépite se trouve dans le quartier Saint-Cyprien, au 27 Rue Réclusane. Les 2 frères affectionnent particulièrement ce quartier toulousain animé par une « vie de village », où les habitants, sensibles à l’artisanat, ont pour habitude de faire leurs courses chez les petits commerçants.
Les sculptures de Jérémy, véritables défis artistiques et techniques, sont exposées dans la galerie d’art de la chocolaterie de Saint-Cyprien. La chocolaterie est donc aussi un musée !
Depuis 2020, une 2ème boutique est ouverte au cœur de Toulouse, située au 18 place Saint-Georges.
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Jérémy, vous avez de fortes valeurs que l’on retrouve dans votre travail sous tous ses aspects : du sourcing de vos matières premières jusqu’à l’accueil de votre clientèle. Quels en ont été les éléments déclencheurs ?
« Nous avons grandi en campagne lotoise, au milieu des potagers et des plantes aromatiques. Enfants nous consommions les produits que nos parents et des plats 100% maison riches en saveurs. On peut dire que nous avons eu une éducation culinaire aussi. Préserver la nature et les ressources de la planète sont à nos yeux une évidence.
Respecter la vie c’est également respecter les gens, le travail. Nous mettons tout en œuvre pour pouvoir continuer à vivre de notre passion avec une certaine vision de l’excellence : tirer la quintessence du cacao en choisissant le meilleur, et ce à chaque étape de la chaine de production. C’est faire la part belle à l’artisanat, valoriser la transmission, le savoir-faire. En d’autres termes c’est respecter la matière première et respecter la clientèle.
La chocolaterie est membre de l’association « Tradition Gourmande ». Cette association a pour but de réunir des pâtissiers, chocolatiers, confiseurs, boulangers et glaciers établis, reconnus comme faisant autorité dans leur art et promouvant le savoir-faire artisanal.
Nous transmettons notre passion et notre savoir-faire à nos apprentis. Toujours dans cette volonté de transmission, nous proposons des stages pour adultes sur différentes thématiques : stages artistiques en chocolat, stages de créations gourmandes… également des sessions d’apprentissage de la culture du cacao. »
Au commencement l’arbre : le cacaoyer.
À l’ombre des arbres géants de 40 à 50 mètres, et à l’abri du vent, pousse un petit arbre au tronc mince et clair. Cet arbre tropical de 4 à 15 m de haut et aux fruits insolites : le cacaoyer, Theobroma Cacao, nommé ainsi en 1753 par le naturaliste suédois Carolus Linnaeus.
Ses très petites fleurs roses blanches, apparaissant directement sur le tronc et sur les branches les plus grosses. Ce phénomène botanique rare est appelé « Cauliflorie ». Sur chaque cacaoyer poussent environ 1000 fleurs. Elles sont pollinisées par de toutes petites mouches.
Le cacaoyer fleurit et fructifie 2 fois par an, à partir de ses 3 ans. Seulement 1 à 4 % de fleurs donnent un fruit. Gros comme des ballons de rugby, ses étranges fruits jaunes, lisses et arrondis, ou bien rouges, verruqueux et pointus : les cabosses. Un cacaoyer produit 20 à 30 cabosses par an, parfois 150 cabosses pour certaines variétés et dans certaines conditions.
Une fois mûres, les cabosses ne tombent pas d’elles-mêmes. Elles sèchent sur l’arbre, sans libérer leurs graines. La récolte des cabosses se fait donc à la main 2 fois par an, d’avril à juillet et d’août à décembre.
Les graines contenues dans les cabosses sont violettes et plutôt plates ou blanches et dodues. Ces graines sont entourées d’une pulpe abondante, acidulée, riche en sucre : le mucilage. Son goût est aigre doux, proche du litchi mais nettement plus âpre et plus acide. Le goût du mucilage va donner des indications sur la palette aromatique du cacao.
À l’intérieur d’une cabosse, il y a 20 à 40 fèves, blanches ou mauves selon les variétés.
Seul le cacaoyer de l’espèce Theobroma cacao permet de produire les fèves de cacao. Les 2 autres espèces, Theobroma bicolor et Theobroma grandiflora, sont cultivées dans de nombreux pays d’Amérique tropicale pour leur mucilage, à partir duquel est fabriquée une boisson rafraîchissante. De la liqueur peut également être fabriquée avec ce mucilage.
Le cacaoyer ne se serait peut-être pas reproduit ni multiplié sans l’intervention de petits animaux gourmands comme les singes, les rats, les écureuils… Au fur et à mesure les graines du cacaoyer se dispersent dans toute la zone équatoriale de l’Amérique du Sud et de nouveaux cacaoyers s’adaptent à chaque fois aux conditions différentes. D’après les travaux de généticiens, c’est presque une centaine de types de cacaoyers qui apparaissent quasi en même temps dans cette région amazonienne.
Très tôt les populations indigènes sélectionnent leurs spécimens de prédilection. Apparait alors ce qui constitue les 3 grandes variétés à la base de tous les cacaoyers du monde : le Criollo, le Forastero et le Nacional. Leurs cabosses se distinguent à l’œil nu.
Le Criollo, « du cru » en espagnol, est la plus rare et la plus recherchée des variétés de cacaoyer. Elle est aussi la première variété réellement cultivée. Les Olmèques les auraient rapportés du Venezuela pour les introduire et le cultiver au Mexique et au Guatemala, 1 000 ans av. J-C. Les cabosses du Criollo sont de forme longiligne, pointue et ridées. La couleur de ses cabosses varie du violet au rouge clair. Ses graines, à la saveur douce, sont dodues, de couleurs blanches et violette.
Les conquistadores espagnols découvrent le cacao en 1522, lorsqu’ils arrivent sur les côtes mexicaines. Plus tard ils étendent leurs colonies jusqu’au Venezuela et plus au Sud, où ils découvrent une autre variété de cacaoyer : le Forastero, « d’étranger » en espagnol. Ses cabosses sont jaunes et lisses, ses graines violettes et plates. Il est domestiqué depuis 1639 par des jésuites espagnols.
Dans les grandes forêts au pied de la cordillère des Andes, les hommes ont privilégié un cacaoyer à l’aspect proche du Forastero, mais de type botanique différent. Sur le Rio Caracol, en amont du village de Babahoyo, le Nacional fait la fierté des Équatoriens. Domestiqué depuis 1635, ses cabosses sont vertes et lisses. Son arôme très particulier est appelé « Arriba de Babahoyo ». Il se caractérise par des notes de fleurs de jasmin et de fleurs d’oranger.
Au XVIIIe et XIXe siècle, le Nacional était considéré par de nombreux chocolatiers européens comme la source de cacao la plus convoitée au monde en raison de son arôme floral et de son profil de saveur complexe
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Pendant longtemps, le Criollo, le Forastero, le Nacional sont les 3 variétés reconnues par les botanistes. Un croisement du Criollo et du Forastero a permis de créer un hybride utilisé en cacaoculture : le cacao Trinitario.
Aujourd’hui, avec les avancées en botanique et en génétique, la classification des cacaoyers est remise en question. De nombreuses hybridations se font naturellement. Les cacaoyers sont très souvent nommés selon leur origine géographique ou par le nom du cultivar traditionnel qu’ils représentent. Actuellement on compte 10 groupes identifiés par leurs différences génétiques : l’Almelona, le Criollo, le Nacional, le Contamana, le Curaray, le Guina, l’Iquitos, le Marañon, le Nanay et le Purus.
Les gros fabricants de chocolat cherchent surtout à travailler avec des variétés. Cela permet de garantir une « stabilité » gustative des produits chocolatés sur le long terme. Les chocolatiers artisanaux recherchent davantage à travailler les cépages. Oui ! comme pour le vin ! Quand certains boivent un « vin du Rhône », d’autres vont aller chercher les arômes de la Syrah, ce fameux cépage du Crozes-Hermitage, vin d’AOP française faisant partie des meilleurs crus de la vallée du Rhône septentrionale (mon vin préféré !).
Jérémy, quelles sont les variétés que vous aimez travailler ?
« Nous utilisons une trentaine de cacaos différents. Nous travaillons les 4 variétés de cacao les plus connues : Forastero, Trinitario, Criollo et Arriba, en provenance de chaque pays producteur. Cela permet d’étendre la palette aromatique et d’obtenir des textures variées. Mais ce qui nous plait le plus ce sont les vieilles variétés, des sous variétés du Criollo très fréquemment. C’est très inspirant de travailler des cacaos qui ont une histoire, celle de leur terroir, de leur planteur… en plus, bien entendu, de leurs saveurs. Ceux sont des cacaos rares dans le commerce. En revanche le Trinitario, hybride créé par la main de l’homme, n’est pas notre priorité. »
En Guyane française, au Surinam, au Guyana, on distingue, sous le nom de Guïana, des cacaoyers peu cultivés. Actuellement des recherches sont en cours pour mieux les connaître.
D’autres variétés sont recherchées par les généticiens qui parlent de cacaoyers « sauvages ». De quoi s’agit-il exactement ?
« Les cacaos sauvages, ou de cru sauvage, sont des cacaos ramassés en forêt, donc non cultivés. Ce sont des cacaos rares et très intéressants à travailler. Nous en utilisons certains. »
Quand l’Homme rencontre le cacao.
Il semble que l’Homme ait rencontré le cacao dès la Préhistoire. Il en consommait très probablement le mucilage (mémo : la pulpe blanche entourant la fève).
Les Olmèques remarquent le cacaoyer environ 1 000 ans av. J-C., aux confins de la Colombie et du Venezuela. Ils l’introduisent dans les régions tropicales sur les bords du golfe du Mexique.
Le cacao passe aux mains des Mayas qui occupent le Sud du Mexique, le Belize, le Guatemala, le Honduras et le Salvador. Les Mayas découvrent que la fève est consommable moyennant quelques transformations : la fermentation, le séchage, la torréfaction et le broyage à chaud pour obtenir une pâte appelée « masse de cacao ».
Pendant près de 2 000 ans, les Mayas puis les Toltèques développent l’agriculture et l’utilisation du cacao. Au XVIème siècle les Aztèques envahissent les Mayas, et découvrent le cacao. Ces civilisations précolombiennes utilisent également le cacao comme monnaie d’échange, de la même manière que nous utilisions le sel. Les fèves de « chacau haa » (en Maya) ou « xocoátl » (en Aztèque) leur servent également d’étalon comptable, à l’égal de l’or. Si la fève est une monnaie, elle-même n’était pas à vendre. Pour avoir une idée de la valeur des fèves :
- 1 œuf de dine = 3 fèves
- 1 grande tomate = 1 fève
- 1 lapin = 10 fèves
- 1 esclave = 100 fèves
Les Mayas et les Aztèques utilisent les propriétés hydratantes du beurre de cacao. Ils l’intègrent dans leur pharmacopée : sous forme de baume pour cicatriser les gerçures, les brûlures, calmer les coups de soleil, soigner le foie, les poumons… et comme remède préventif contre les morsures de serpent.
« Il est important de préciser que le Mexique renferme plusieurs particularités sur le plan culturel mais aussi religieux. Ils utilisaient le cacao pour préparer la « boisson des dieux », destinée à leur empereur. Le chocolat est considéré comme une boisson sacrée inspirée par Quetzalcóatl, dieu de la nature. Quetzalcóatl, également connu sous le nom de « Serpent à plumes », était l’un des dieux aztèques les plus importants. Il était le dieu de la vie, de la lumière, de la civilisation, de la fertilité et du vent. Il était vénéré par les Olmèques, les Mayas (qui l’appelaient Kukulcan), les Toltèques et les Aztèques. Quetzalcóatl était une divinité importante reconnue également comme la divinité de l’agriculture, du le savoir et de l’artisanat. Il était le gardien des jardins du paradis et protecteur du cacaoyer. »
Jérémy, quelques mots sur votre première rencontre avec le cacao ?
« Ma première rencontre avec le cacao ?… C’était pendant mon école de pâtisserie. J’ai travaillé avec un pâtissier-chocolatier. Depuis toujours je suis également passionné par l’art. Du coup j’ai très vite aimé la plasticité du chocolat, la diversité de ses états. Il y a tellement de manières de le travailler, que ce soit coulé, moulé, en poudre ou encore sculpté. Les possibilités sont nombreuses ! »
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Le xocoátl, boisson précolombienne, est un mélange élaboré à partir de pâte de cacao, de maïs broyé, d’eau, d’aromates épicés (poivre, piment), de décoctions et d’additifs spécifiques selon l’activité des buveurs :
- Plantes et champignon hallucinogènes pour les cérémonies religieuses,
- Ingrédients énergétiques pour les guerriers,
- Substances euphorisantes et enivrantes pour les suppliciés,
- Stimulants pour les nobles afin d’honorer de nombreuses femmes.
La mousse obtenue en versant la boisson d’un pot à un autre était particulièrement appréciée.
« Il y a une notion importante à saisir à propos du xocoatl. Il ne s’agissait pas simplement de boire un chocolat tel que nous le faisons depuis des centaines d’années. Le chocolat n’était pas un aliment. Pour ces civilisations précolombiennes, la consommation de chocolat, plus précisément de cacao, était liée à un rituel. Les Mayas mélangeaient leur propre sang au cacao pour les offrandes aux dieux. Le xocoátl était une boisson mystique réservée. Seuls le roi, les nobles, les soldats et les marchands étaient autorisés à en boire. »
Dans votre salon de dégustation, boutique quartier Saint-Cyprien, vous proposez une large palette de chocolats à boire, et vous proposez une carte d’hiver et une carte d’été.
D’où vous est venue l’idée de créer ce salon de dégustation, et qu’est-ce qui a motivé la sélection de vos préparations ?
« Nous souhaitions que CacaoFages soit bien plus qu’un point de fabrication et de vente. C’est un lieu de vie autour du cacao sous tous ses formes, y compris avec un clin d’œil historique.
Nous proposons plusieurs produits, selon les saisons, dont les chocolats chauds. Toutes les créations sont travaillées avec des ingrédients les plus nobles. Les cacaos certes, mais aussi le miel, le sucre, les plantes aromatiques, et les fruits frais pour fabriquer les glaces maison proposées en été. »
J’ai dégusté plusieurs de vos boissons chocolatées, entre autres : « l’authentique » et « le fleuri », qui est le n°1 de mon top 3 !
« L’authentique est un chocolat chaud à l’eau, avec du miel, du café du Guatemala et du piment basque. Le chocolat utilisé est d’origine du Mexique.
Le fleuri est un chocolat chaud à l’ancienne, marié avec une infusion de thé au jasmin et fleur d’oranger, avec en plus une mousse de lait. Pour celui-ci le chocolat est d’origine du Mexique également. »
Où avez-vous puisé votre inspiration pour ces 2 préparations ? Les civilisations précolombiennes, je suppose, pour « l’authentique » ? Mais pour « le fleuri » ?
« Oui à la base mes inspiration proviennent de la culture précolombienne. Après c’est surtout le travail surtout des saveurs qui me plait. Comme pour « le fleuri », je fais plusieurs essais jusqu’à que l’équilibre de la recette finale me semble bon. »
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Après cette escale gourmande, reprenons notre route du cacao…
En 1502, Christophe Colomb approche l’île de Guanaja, au large du Honduras. Des indigènes viennent à sa rencontre et lui offrent une boisson à base de cacao : il est le premier européen à goûter au chocolat. Mais il ne s’attarde pas sur cette boisson qu’il trouve amère et épicée. Il ne porte pas non plus d’intérêt au sac de fèves de cacao.
Au XVIe siècle, lorsque les conquérant espagnols envahissent les régions mayas et aztèques, l’histoire et l’usage du cacao tombe dans l’oubli. Seules subsistent quelques indications observées par les moines espagnols lors de leur arrivée.
La réelle naissance du chocolat est engagée lorsque les troupes espagnoles, menées par le conquistador Hernán Cortés, débarquèrent sur les côtes aztèques en 1519. Les Aztèques voient en lui le dieu Quetzalcóatl et lui offre une plantation de cacaoyers.
Vers 1527, Hernán Cortés dévoile cette découverte au roi Charles Quint, accompagné d’une cargaison de 1500 fèves de cacao envoyée en Espagne. Les Espagnols fondent une colonie sur les terres.
Mais les conquistadors n’apprécient pas l’amertume de la préparation chocolatée maya. Des Carmélites ont l’idée de remplacer le piment par le sucre de canne et l’eau par le lait. C’est sous cette forme de boisson chaude, veloutée, agrémentée de miel et de sucre de canne, que le cacao entre à la cour d’Espagne, avec les métaux précieux et des produits jusqu’alors inconnus comme la tomate, l’ananas, la pomme de terre, le maïs, la vanille…
La consommation de chocolat se diffuse dans tout l’Empire romain germanique, qui est alors le plus puissant, et à qui appartient l’Espagne.
Jusqu’au début du XVIIe siècle, la France reste un peu à l’écart de cet engouement pour le chocolat. En 1615 le roi Louis XIII épouse Anne d’Autriche, infante d’Espagne et du Portugal. Elle apporte avec elle ses habitudes chocolatières. Puis Louis XIV épouse Marie-Thérèse d’Autriche, également infante d’Espagne et du Portugal. C’est surtout avec elle que se répand la consommation de chocolat à la cour de France. La fabrication du chocolat et sa vente sont strictement encadrées par le roi : il est réservé à la cour. Puis le chocolat, très prisé par l’aristocratie française, devient LA boisson des cours royales européennes vers 1700 – 1800.
Les moines, dont les ordres religieux n’ont pas de frontière, jouent également un rôle important dans la diffusion du chocolat en Europe.
Sans supplanter le café, le chocolat atteint un réel engouement au XVIIIe siècle.
En 1715, à la mort de Louis XIV, Philippe d’Orléans accède à la régence en attendant que Louis XV atteigne sa majorité. Tous les matins Philippe d’Orléans à l’honneur de boire de grandes tasses de chocolat. Voltaire, amateur de chocolat, crée sa propre recette. De nombreux aristocrates boivent plus volontiers un chocolat sucré qu’un café amer laissé au prolétariat. Diderot et d’Alembert consignent une recette du chocolat dans leur célèbre Encyclopédie. Mais le chocolat reste cher. À la fin du XVIIIe siècle, le prix de 500g de chocolat représente 5 jours de salaire d’un ouvrier.
Au XIXe siècle, Napoléon III (Louis-Napoléon Bonaparte) supprime la taxe sur le chocolat. Le développement de la production industrielle aidant, le chocolat devient un produit populaire.
Dès le XVIIIe, la demande en fèves est de plus en plus forte et la production de la « Nouvelle Espagne » ne suffit plus. La culture du cacaoyer est étendue en Amérique centrale, en Colombie jusqu’au Brésil. Le cacao voyage beaucoup au cours des colonisation.
Au cours des XVIe et XVIIe siècle, les conquérants colonisent, entre autres, les îles d’Asie du Sud-Est. Le climat y est proche de celui de l’Amérique équatorienne. Sans grand succès, ils introduisent des cacaoyers dans ces îles. C’est seulement à partir de la moitié du XXe siècle que la culture du cacaoyer se déploie réellement en Asie et dans l’océan Indien.
Début XIXe siècle, les colons portugais introduisent des cacaoyers sur l’île de Saint-Thomas, au large du Gabon. Peu après, les colons espagnols font de même sur l’actuelle île Bioko, au large du Cameroun. Le résultat est remarquable. Au XXe siècle le continent africain devient le premier producteur mondial de cacao.
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Nous voilà arrivés à la fin de notre 1ère escale en Amérique… Nous avons pénétré l’épaisse forêt entre l’Orénoque et l’Amazone. Ensuite l’Histoire nous a guidé vers les civilisations précolombiennes jusqu’au XXe siècle.
Vous avez pu faire plus ample connaissance avec Jérémy Fages, qui compte parmi les 10 meilleurs artisans-chocolatiers de France. Je le remercie chaleureusement d’être notre guide pour ce voyage, et du temps qu’il nous accorde malgré le rush de fin d’année !
D’ici quelques jours, nous accosterons pour notre 2ème escale, et nous pencherons sur la culture du cacao et son commerce.
Forts de ces connaissances, nous repartirons et mettrons la cap vers notre 3ème et dernière escale de novembre. Cette escale aura pour thème la transformation du cacao en chocolat.
En décembre : la 4ème et ultime escale du voyage chocolaté… Arômes, saveur, odeur, goût… le temps sera à la dégustation avec quelques notions utiles pour déguster pleinement nos chocolats de fin d’année.
Je vous dis, donc, à très bientôt!
Références
Ouvrages :
Histoire du chocolat, Nikita Harwich, éditions Desjonquères, 2008. Nikita HARWICH : Professeur d’histoire et de civilisation de l’Amérique Latine à l’université de Paris X-Nanterre, ancien membre du St. Antony’s Collège de l’université d’Oxford, il est l’auteur de nombreux ouvrages et travaux consacrés à l’économie et aux mouvements révolutionnaires d’Amérique du Sud. Il est membre, depuis 2002, de l’Académie Française du Chocolat et de la Confiserie.
Du Cacao au Chocolat, L’épopée d’une gourmandise, Michel Barel, éditions Quae, 2021. Michel Barel, biochimiste de formation, a accompli une grande partie de sa carrière en Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), où il a dirigé le programme « Cacao ». Fin connaisseur du cacao et grand amateur de chocolat, il est membre de l’Académie Française du Chocolat et de la Confiserie, et Chevalier honoris causa de la Confrérie des Chocolatiers de France. Il est également le fondateur du cabinet de consultants KawaCao.
Le chocolat, cet aliment qui vous veut du bien, Christiane Tixier, éditions Eyrolles, 2008. Christiane Tixier, pharmacienne, est devenue « chocolatologue » par passion. Présidente du Club du chocolat de Toulouse, membre du Club des Croqueurs de Chocolat de Paris, Chevalier honoris causa de la Confrérie des Maîtres Chocolatiers de France et membre correspondant de l’Académie Française du Chocolat, elle s’intéresse au chocolat sous tous ses aspects.
La très belle et très exquise histoire des gâteaux et des friandises, Maguelonne Toussaint-Samat, préface de Pascal Ory, éditions Le Pérégrinateur, 2018. Maguelonne Toussaint-Samat, était journaliste et directrice de la collection de romans policiers La Main rouge éditée par les éditions des Deux-mondes. En 1961, elle change radicalement de style et publie un recueil de contes médiévaux. L’Académie française lui décerne le prix Montyon en 1962 pour l’ensemble de son œuvre. Dans les années 1970, elle commence la publication d’ouvrages sur la gastronomie et des livres de cuisine. Maguelonne Toussaint-Samat meurt le 4 juin 2018.
Chocolat(s), Histoire d’une rencontre, Géraldine Pellé, éditions Les ateliers d’Argol, 2019. Géraldine Pellé, docteure en géographie humaine avec une thèse sur « Le goût et le paysage comme expérience sensible de l’espace », est conseillère en communication et événementiel, mais aussi l’auteure de livres sur le goût et la gastronomie. Elle a publié notamment Itinéraires de goûts, 2017, Glénat éditions, réalisé avec le cuisinier Michel Sarran et avec des photographies de Anne-Emmanuelle Thion.
Manger sain, Comment ça marche ?, Joel Levy et Ginny Smith, traduit par Antonia Leibovici, éditions Dorling Kindersley Limited, col. Le courrier du Livre 2018. Joel Levy est un écrivain et journaliste, spécialisé dans les civilisations anciennes et mystérieuses. Titulaire d’une licence en sciences biologiques et d’une maîtrise en psychologie, il est l’auteur de plusieurs ouvrages scientifiques et historiques.
Les épices, Tout comprendre tout simplement, Dr Stuart Farrimond, traduit par Delphine Nègre, édition Dorling Kindersley Limited, 2019. Dr Stuard Farrimond est un écrivain scientifique et médical, présentateur et éducateur. En tant que médecin diplômé et professeur qualifié, il communique passionnément les sciences de la science et de la santé ; cherchant à inspirer et à impliquer les autres sur ces sujets qui sont trop facilement considérés comme étouffants et non pertinents. En utilisant son expérience en médecine et en sciences aux côtés de son histoire personnelle puissante comme un survivant du cancer, il présente et écrit sur la science et la santé, fait des apparitions régulières à la radio, la télévision et à des événements publics.
D’ici ou d’ailleurs, les épices qui guérissent, Murielle Toussaint, édition Leduc, col. Poche, 2019. Murielle Toussaint est journaliste spécialisée dans le domaine de la santé, et naturopathe. Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le régime alimentaire sans gluten et sans lactose, et d’un ouvrage de phytothérapie. Elle a signé pendant plus de six ans la rubrique « Acupression et réflexologie » du magazine Rebelle-Santé.
Émissions :
Du chocolat pour sauver l’Amazonie, de Bertrand Delapierre, auteur Bertrand Delapierre, France 2022. Documentaire Nature, 51 min, Ushuaïa TV : face à la déforestation de l’Amazonie, scientifiques, chocolatiers, producteurs et agriculteurs ont décidé de faire du cacao le fer de lance de la défense environnementale au Brésil.
Les maîtres du chocolat, de Éric Bacos, auteur Éric Bacos, France 2019. Documentaire Découvertes, 51 min, Ushuaïa TV : De Madagascar à Sao Tomé-et-Principe, un archipel au large des côtes africaines, en passant par le Pérou, Eric Bacos suit des artisans en quête de fèves de cacaos rares.
L’histoire fondante du chocolat Menier, de Eric Bitoun, France, 2012. Documentaire Gastronomie, 60 min, Les Chaînes Planète + : La saga d’une réussite familiale : celle d’un préparateur en pharmacie, Jean Antoine Brutus Menier, qui découvrit les bienfaits du chocolat et décida de les exploiter.
La belle histoire du chocolat Poulain, de Eric Bitoun, France 2016. Documentaire Gastronomie, 52 min, Les Chaînes Planète + : à Blois, en 1847, Victor-Auguste Poulain a 22 ans lorsqu’il installe une chocolaterie, qui v devenir l’une des plus grandes marques de chocolat au monde.
Sites :
http://www.commodafrica.com/filieres/cacao
https://www.futura-sciences.com/planete/dossiers/botanique-cacao-chocolat-epopee-gourmandise-1516/
https://www.rtbf.be/article/la-passion-du-cacao-une-histoire-veille-de-plus-de-5000-ans-10059967
https://www.museum.toulouse.fr/-/cacao-et-botanique
https://hospitalityinsights.ehl.edu/fr/histoire-origine-chocolat
https://www.thoughtco.com/facts-about-quetzalcoatl-2136322
https://buenavita.fr/boutique/histoire-dune-boisson-divine/
https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/386365/le-rituel-du-xocoalt-la-boisson-des-dieux
https://www.infoplease.com/history/world/quetzalcoatl-myths
https://www.cacaoforest.org/actualites/quest-ce-lagroforesterie
http://www.lostostados.com/blog/2016/5/24/agroforesterie-les-fondamentaux
https://www.terra.uliege.be/cms/c_5684892/fr/des-arbres-pour-sauver-le-chocolat
https://www.reforestaction.com/blog/5-benefices-de-lagroforesterie
http://www.delicesdinities.fr/conseils-conso/differents-types-de-chocolat/
https://www.got2globe.com/fr/editorial/rocas-cacau-corallo-fabrica-chocolate/
https://www.bilan.ch/entreprises/lindt_la_meme_technique_depuis_pres_de_170_ans_