Du festin de réveillon à la carte de vœux

L’année 2020 aura été très singulière, du moins je l’espère ! Alors pour commencer 2021, j’ai choisi de poser mon regard sur l’histoire, la gourmandise et les symboles du Nouvel An, véritable date sacrée vêtue d’une grande superstition.

Ce sujet, peut-être peu original aux yeux de certains, est une belle occasion pour moi de se remémorer que le premier jour de l’année n’est pas forcément le 1er janvier pour tous, que les mets souvent partagés au réveillon ont ce supplément d’âme qui les rendent différents de nos repas de tous les jours, et d’apprendre, entre autres, que la carte de vœux est née en Angleterre, de la conjonction de 2 traditions anciennes, avant de pouvoir « soulager » les Français de la traditionnelle visite de début janvier. C’est donc avec un peu d’Histoire que je vous propose de commencer l’année.

Chaque pays, chaque peuple, chaque religion célèbre à sa manière le premier jour de l’année si particulier qui scelle notre destin pour le reste de l’année. A cette occasion festive, les paroles, les actes, les rencontres, la nourriture et les dons sont très souvent des signes porte-bonheur. Même si chacun a ses codes et ses rituels de passage pour attirer la chance et éloigner le mauvais sort, 3 coutumes du Nouvel An sont universelles : le réveillon, les vœux et les étrennes.

Pour enterrer l’année passée et fêter la naissance de la nouvelle en augurant les meilleurs auspices, on réveillonne dans la joie, la lumière et le bruit. Et pour cause : chants, musiques, bougies, cotillons, pétards, feux d’artifice ont toujours ce pouvoir de faire fuir les mauvais esprits.

 

Jour J : la date, les dates !

Les historiens situent les premières célébrations du Nouvel An à Babylone, 2000 ans avant notre ère. La date du jour de l’an a beaucoup changé au fil des siècles, au gré des Églises, des époques et des pays.

Tous les pays n’ont pas le même calendrier, et leurs origines, leurs modes de calcul et leurs durées sont sensiblement différents. De fait le Nouvel An se fête dans le monde entier à une date correspondant au calendrier de chacun des pays.

Dans la République romaine l’année, composée de 355 jours et 10 mois, commence en mars. En 46 avant JC, une réforme de Jules César donne à l’année 365 jours et 12 mois tels que nous les connaissons. Avec ce calendrier julien, l’année commence désormais le 1er janvier. Adopté par l’Église, le calendrier julien est resté le standard occidental jusqu’à la fin du XVIe siècle.

En 352 après JC, l’Église s’approprie cette date sans que celle-ci ne s’impose partout. Selon les régions et les périodes, le début de l’année est fixé à des dates différentes : le 25 décembre, le 1er janvier, ou encore au mois de mars dans de nombreuses provinces aux VIe et VIIe siècles.

En août 1564 l’édit de Roussillon, promulgué par le roi de France Charles IX, fixe officiellement le 1er janvier comme le début de l’année calendaire dans toute la France. C’est donc depuis le XVIe siècle que le 1er janvier marque officiellement notre début d’année.

En instituant le calendrier grégorien en 1582, le pape Grégoire XIII généralise cette date à l’ensemble du monde chrétien. Les calendriers julien et grégorien reposent sur le type solaire fondé sur le cycle des saisons et sur le temps de révolution de la Terre autour du Soleil. Notre calendrier grégorien comporte donc 12 mois pour un total de 365 ou 366 jours selon si l’année est, ou non, bissextile.

En 1792, le calendrier devient républicain. Il est statué que l’année commence le jour où le soleil franchit le point équinoxial d’automne. En 1805, Napoléon abroge le calendrier républicain et instaure le rétablissement du calendrier grégorien à partir du 1er janvier 1806. Le 1er janvier devient alors un jour férié légal par un arrêté du Conseil d’État en 1810. Le réveillon, repas traditionnel de la nuit du nouvel an, est appelé aussi réveillon de la Saint-Sylvestre, du nom du 33ème pape de l’Église catholique, fêté le 31 décembre.

 

Et dans le reste du monde ?

Toutefois cette date de passage à la nouvelle année varie selon les coins du monde. Quelques calendriers plus anciens restent encore utilisés de nos jours. Par exemple le calendrier chinois fait débuter l’année pendant la deuxième nouvelle lune depuis le solstice d’hiver. De fait le Nouvel An chinois est célébré chaque année entre le 21 janvier et le 19 février. Il ne s’agit toutefois que d’une tradition car la Chine utilise, comme la plupart des pays du globe, le calendrier grégorien. Leur année civile commence donc le 1er janvier.

Seuls 6 États conservent leur propre calendrier : l’Afghanistan et l’Iran utilisent le calendrier persan, l’Arabie Saoudite utilise le calendrier islamique, l’Éthiopie applique son propre calendrier hérité des Coptes et de l’Égypte ancienne, le Népal suit un calendrier d’origine indienne, et au Vietnam le Nouvel An, fête du Tết, coïncide le plus souvent avec le Nouvel An chinois.

 

 

Offrandes et rites de purification

À Babylone, les festivités et rites de purification durent une dizaine de jours à la fin du mois de mars. En Égypte Antique, le jour de l’an, fête la plus prisée des égyptiens, commençait avec les premiers signes de la montée des eaux du Nil, évènement majeur de l’année. Chaque égyptiens faisait des offrandes aux morts et aux dieux, particulièrement au dieu solaire Ré, divinité première et souveraine sous la Haute Antiquité. Ces cérémonies de nouvelle année avaient lieu en son honneur.

En bords de mer, de nombreux habitant se purifient, encore aujourd’hui, en prenant leur premier bain de l’année. D’autres, de bords de mer ou d’ailleurs, ouvrent les fenêtres pour laisser partir la vieille année, puis ouvre la porte pour laisser entrer la nouvelle année.

 

Festin de réveillon :

protection, magie et porte-bonheur

Au menu du réveillon : des fruits de mer, foie gras, caviar, pâtisseries sucrée et épicées.

Les huîtres étaient déjà consommées à l’Antiquité. Les pharaons et les Romains raffolaient du foie gras et gavaient déjà les oies avec des figues. Le caviar, devenu symbole de luxe, était lui aussi sur la table. Ces œufs d’esturgeon, poisson séculaire de la mer Caspienne, sont un véritable or noir dans le monde entier. Ils sont consommés pour leur goût très fin et leur pouvoir énergétique.

Le miel, autre aliment de fête par excellence et déjà présent dans le delta du Nil, est un véritable symbole solaire, symbole de pureté et de douceur. Les grecs lui prêtaient le don de prophétie. Au Xe siècle, les Chinois en font le Mi-Kong, un pain d’épices qui sera adopté par les Arabes puis importé en Occident lors des Croisades.

Mais c’est surtout dans la pâtisserie sucrée et épicée que perdurent les traces des symboles païens et religieux dans les régions françaises. Les épices et les formes pointues ou solaires des gâteaux se révèlent protectrices.

Les biscuits sont considérés comme possédant des effets magiques contre le mauvais sort et les maladies. Les cornes et pointes sont toujours utilisées contre les sorciers et les maléfices. Chaque région avait ses formes et ses noms de gâteaux. Parmi eux, 3 exemples qui me tiennent à cœur : les cugnaux des Ardennes, les quenieux des Vosges, ou encore les i strenni de Corse. Ces derniers sont des gâteaux en forme de pain à deux têtes en hommage à Janus, dieu romain des commencements et des fins. Bon nombre d’appellations de ces gâteaux régionaux sont issues du patois « gui neuf », de l’expression « au gui l’an neuf » des coutumes celtes. Le gui… Nous y reviendront un peu plus bas.

Autres fruits particulièrement prisés à Rome : les dattes. Pour le Nouvel An, elles sont offertes fourrées d’une pièce de monnaie. Pline l’Ancien, un des auteurs qui a marqué mes années d’études, rapporte que « lorsqu’elles sont fraîches, les dattes sont si délicieuses que seul le danger de périr vous arrête d’en manger. » Cette tradition de la pièce de monnaie porte-bonheur cachée dans une datte, un gâteau ou un pain du nouvel an, vient des fêtes paillardes romaines, les Saturnales, perpétuées à travers le temps avec, notamment, la galette des Rois de l’Épiphanie le 6 janvier.

Au Nouvel An, donc, nous faisons bonne chère et trinquons aux sons des « Bonne année ! Bonne santé ! » avant de briser nos verres à minuit. Ce rituel immuable n’est donc pas né d’hier !

 

 

Le traditionnel et symbolique baiser sous le gui

Au mois de décembre, le gui est le seul végétal à avoir des fruits. À l’époque des Gaulois, le gui est déjà une plante sacrée aux des vertus magiques. La prospérité, la chance, la fécondité et l’immortalité lui sont attribuées du fait de ses rameaux toujours verts. La cueillette du gui est la plus solennelle cérémonie de toutes celles que pratiquent les druides.

Au XVIIIe siècle les anglais amènent cette tradition et accrochent du gui à l’entrée du foyer ou autour du cou. Pendant les 12 coups de minuit, la coutume veut que l’on se donne un baiser sous une branche de gui, devenue kissing ball, en échangeant nos vœux porteurs de bons auspices et signes d’heureux présages pour franchir le seuil de la nouvelle année.

Aujourd’hui le baiser sous le gui est resté un signe d’amitié, d’amour et de soutien.

 

Les étrennes

La coutume des étrennes vient de la Rome antique. Tatius, roi des Sabins, reçoit quelques branches coupées dans un bois consacré à Strena, déesse de la force. Il considère cette attention comme un augure favorable et décide alors d’instaurer ce présent comme coutume. Par la suite les Romains remplacent les branches par des figues, des dattes, du miel, autant de symboles des douceurs qu’ils souhaitent à leurs amis pendant le cours de la nouvelle année.

Les Pères de l’Église, dont Saint-Augustin, condamnent les étrennes comme pratique diabolique. Sûrement du fait de leur origine païenne.

En 1789, lors de la Révolution française, l’Assemblée nationale constituante considère les étrennes comme une forme de corruption et décide de supprimer celles reçues par les agents de l’État.

En France, entre le milieu du XIXe siècle et au moins jusqu’à la Première Guerre mondiale, l’expression « livres d’étrennes » est largement répandue pour désigner des livres plus spectaculaires édités à cette occasion. Véritables objets symboliques, ces livres destinés au jeune public sont très souvent entoilés, cartonnés et très illustré. Les cartonnages sont polychromes et les couvertures typographiées et gravées. Ils représentent un marché conséquent, pendant les fêtes de fin d’années, pour les éditeurs de l’époque, comme les Éditions Mame.

En 1936 est créée la collection « Grands Livres d’Étrennes ». Seulement 4 titres sont édités entre 1936 et 1939. L’objectif de cette collection est clairement d’éditer chaque fin d’année un livre de grande qualité pour la jeunesse afin de le vendre pendant les fêtes de fin d’année. Aucun nouveau titre n’est édité après 1939, mais ils semblent avoir été vendus jusqu’en 1952 au moins.

 

La carte de vœux

Dans les temps anciens les asiatiques envoyaient, en début d’année, des cartes de visite aux personnes qu’ils avaient côtoyées pendant l’année passée. Ces cartes étaient fabriquées avec de grandes feuilles de papier de riz dont la dimension de la feuille variait selon l’importance du destinataire. Ils mentionnaient le nom, le prénom et la qualité de l’expéditeur sur cette carte avec différentes nuances de couleur.

Une coutume du XVe siècle voulait que l’on envoie des lettres à l’occasion de la nouvelle année, permettant ainsi de reprendre contact.

La carte de vœux telle que nous la connaissons aujourd’hui est une synthèse de ces 2 pratiques anciennes.

L’histoire de la carte postale que nous connaissons commence en 1840, en Angleterre, avec le début du timbre-poste et des premières enveloppes ornées de motifs de Noël. En 1843, le peintre et illustrateur anglais John Callcott Horsley conçoit la première carte de Noël, qui est une carte de vœux. Il adresse cette première carte de vœux à Sir Henry Cole, directeur du Victoria and Albert Museum de Londres, qui s’intéresse à la conception des objets fabriqués en série. On peut d’ailleurs voir en lui un réformateur du design. Ce fonctionnaire britannique promeut toute une série d’innovations dans le domaine du commerce et de l’éducation. Il est aussi l’un des principaux responsables de l’Exposition universelle de Londres en 1851.

Avec les progrès de l’imprimerie, l’envoi de cartes de vœux devient une nouvelle coutume. La lithographie permet de reproduire des cartes ornées de gui, de houx, de scènes de nativité ou de paysages enneigés.

L’emploi de la carte de vœux se propage ensuite dans toute l’Europe et on assiste à un nouvel usage des courriers envoyés. En France l’utilisation de carte de vœux se met en place d’une façon particulière : une tradition ancestrale veut que, dans les 15 premiers jours de l’année, on rende visite à son entourage proche, preuve de générosité et marques de sympathie ou d’amitié. Un moyen de contourner certaines visites jugées trop contraignantes était – et est toujours – de remettre une carte de visite sur laquelle on écrit une formule de meilleurs vœux.

La carte de vœux témoigne d’un geste de civilité et d’amitié. Le téléphone et internet se sont largement substitués à ces petites cartes Malgré l’engouement du « tout virtuel », et grâce aux loisirs créatifs et à quelques rares créateurs passionnés de cartes, cette tradition lourde de signification perdure et reste une coutume incontournable de notre société occidentale.

Il me tient à cœur de vous présenter, à cette occasion, le travail de l’illustratrice jeunesse Christine Donnier passionnée depuis toujours par les cartes postales. Nous étions ensemble au lycée en Arts Appliqués & déjà à cette époque elle créait ses premières cartes postales pour ses proches. Ses créations sont entièrement dessinées à la main & imprimées par ses soins, avant d’être repérée par un éditeur. Pendant ses études à Émile Cohl, école spécialisée dans l’enseignement du dessin & de l’image en mouvement, elle rencontre Fabien, devenu sa moitié. Ensemble ils créent les Éditions Titi Pinson en janvier 2008, à Optevoz en Isère. Christine continue de travailler à la main, au crayon, à la peinture, à l’encre… Toutes leurs créations sont 100% made in France, voir même local. Des créateurs qu’ils éditent au mobilier leurs stands d’exposition, en passant bien entendu par les papiers, les encres & l’impression, tout est étudier & produit dans un réel soucis de l’impact environnemental.

 

Les bonnes résolutions…

Ah ces fameuses bonnes résolutions de Nouvel An !

L’usage des bonnes résolutions nous a également été transmis par les Babyloniens. À la nouvelle lune suivant le solstice de printemps, les Babyloniens décidaient de rendre à leurs voisins le matériel agricole emprunté au cours de l’année passée. Je pense que beaucoup d’entre nous sommes loin de leurs nobles préoccupations lors de nos bonnes résolutions. Bien souvent nous nous lançons le même défis et nous prenons les mêmes engagements chaque année : arrêter de fumer, se mettre à faire du sport, manger mieux ou encore passer plus de temps avec ses proches… Je n’ai jamais tenue la résolution de faire du sport ! Mais les vœux du Nouvel An ont été plus d’une fois l’occasion de stopper les bouderies en cours avec mon amie d’enfance, ma soeur, Kareen.

Pour terminer ce long post et bien entamer cette année 2021, je vous souhaite à toutes et à tous une belle année !

 

_____ ///_____

Ce site est protégé par la loi sur les droits d’auteurs. Les textes sont la propriété de Sophie-Anne Reydellet. Si vous désirez les utiliser, ayez la gentillesse de m’écrire, on pourra toujours s’arranger. Les photos sont la propriété des photographes, producteurs, studios et agences photos. Toute reproduction est interdite. Merci de votre visite !

©Sophie-Anne Reydellet 2021
SIRET 49979088900020