La Tonkinoise à Paris

Ce mois-ci je vous dévoile une de mes adresses parisiennes favorites. J’ai choisi de vous faire découvrir une créatrice, son travail et sa boutique-atelier, véritable écrin aux airs de cabinet de curiosités.

Il y a maintenant un certain nombre d’années, Caco, mon amie graphiste alésienne, m’a fait connaître quelques artistes de son entourage : Jérôme à Lille, Marlène à Toulouse et Stan à Paris.

Nous faisions partie d’un tout petit groupe Facebook, dans lequel nous nous postions des photos, des coups de gueule, des conseils, des encouragements. Chacun dans notre région et affairé à notre travail, nous avions cet espace commun, un peu comme des collègues de boulot qui se retrouvent à la machine à café !

Dès que l’occasion s’est présentée, j’ai décidé de les rencontrer « en vrai », mettant enfin des visages et des timbres de voix sur leurs mots.

Lors d’une de mes pérégrinations parisiennes, Stan, donc un de mes « collègues » virtuels, a eu la gentillesse de partager, dans son atelier, quelques sushis et un verre, en compagnie d’un vieil ami parisien et moi-même. C’est à cette occasion qu’il m’a appris que sa compagne, Chantal Manoukian, a créé sa marque de bijoux :

 

 

Intriguée par le nom de sa marque, sa boutique-atelier, et curieuse de découvrir ses créations, je me suis précipitée sur le web pour voir son site et son e-shop… Et là, coup de cœur pour son travail ! J’ai commencé à la suivre (sur internet !) et nous avons eu l’occasion d’échanger à plusieurs reprises. Sa démarche me plaît particulièrement et ses créations, condensé de poésie et de glamour, issus d’un regard singulier sur la mode, me séduisent. Difficile de résister à lui passer quelques commandes pour offrir, ou pour moi tout simplement !

Je vous propose donc, ce mois-ci, de faire connaissance avec Chantal Manoukian et vous donner envie de découvrir – et d’acheter si affinités – les bijoux upcycle qu’elle conçoit et réalise elle-même dans le 11ème arrondissement à Paris, entre Ménilmontant et Le Marais.

 

Chantal, quelques mots sur ton parcours…

Avec en poche un diplôme des Arts Appliqués à Paris, j’ai commencé mon parcours de styliste comme première assistante d’Isabel Marant en 1991. Après avoir travaillé chez Lanvin et Babylone, j’ai posé mes valises une dizaine d’années au sein du bureau de style de Kookaï pour y créer les accessoires fabriqués en grand import. Des bijoux, mais aussi des sacs, foulards, chapeaux, ceintures, tous fabriqués dans divers pays.

Qu’est-ce qui t’a mené à la création de bijoux ?

J’ai une formation en stylisme de Mode aux Arts Appliqués Duperré et auparavant à l’École Estienne. Je pensais dessiner beaucoup et faire de l’illustration de Mode, mais mon premier stage chez une créatrice dont la marque s’appelait « Yorke and Cole » m’a fait rencontrer Isabel Marant chez laquelle j’ai appris le suivi de fabrication des bijoux fantaisie en laiton parallèlement au suivie des collections de vêtements. Puis j’ai intégré un atelier de fabrication de bijoux fantaisie, une expérience intéressante car tous les corps de métier étaient sur place : soudeur, fondeur, galvano-plastie (le fait de dorer les bijoux par électrolyse).

Pourquoi ce nom pour ta marque ? Quel est ton lien avec le Tonkin ?

Je suis intriguée par le nom de ta marque. Dans ma famille le Tonkin représente beaucoup, alors il m’est impossible de ne pas te poser quelques questions !

Il y a un lien indirect avec le fait que l’Indochine est une ancienne colonie et que ma mère est malgache. A ce titre je suis un peu « une fille des colonies ». Le nom de la marque est inspiré de la chanson « la petite tonkinoise », interprétée dans les années 20 par Joséphine Baker et Mistinguette. Il m’évoque une féminité douce mêlée de gouaille parisienne. Je souhaitais évoquer avec ce nom, La Tonkinoise à Paris, l’univers rétro de Joséphine Baker et sa période Art Déco à Paris.

Comment est née La Tonkinoise à Paris ? Qu’est-ce qui ta donné envie de créer ta propre marque ?

J’ai créé une première marque en 1993 que j’avais appelée « La Fée Clochette », mais je me suis rendue compte rapidement de tous les écueils. Je me suis sentie un peu jeune et il m’a paru difficile de mettre en place la distribution. Je suis retournée en salariat pendant de nombreuses années pour la sécurité, mais je gardais toujours en tête cette idée d’avoir mon propre label.

La Tonkinoise à Paris est née fin 2008, après une dizaine d’années passées en styliste accessoires chez Kookai. Les premières collections ont été rapidement repérées par Le Bon Marché en 2009, puis Les Galeries Lafayettes en 2010, et sélectionnée chez Tomorrowland au Japon en 2011.

C’est une marque de bijoux néo-vintage, issue d’un univers « handmade » à la fois glamour et déglingué, artisanal, luxe et brut, poétique et rock.

Dans une philosophie de « non-mass production » elle est désormais essentiellement distribuée à travers ma boutique parisienne ouverte en 2015 mais toujours à l’export avec quelques acheteuses au Japon, en Italie, en Suisse et au Luxembourg.

Depuis 2017 mes bijoux sont labellisés « FABRIQUÉ À PARIS » par la Mairie de Paris, dans la tradition des ateliers de faubourg qui ont toujours existé dans l’est parisien. 

 

 

Le mouvement artistique Art and Craft, qu’on peut traduire par « Arts et artisanats », est réformateur dans les domaines de l’architecture, des arts décoratifs, de la peinture et de la sculpture. Ce mouvement est né en Angleterre dans les années 1860, et s’est développé jusque 1910, à la fin de l’époque victorienne. Il est parfois considéré comme l’initiateur du modern style, concurrent anglo-saxon de l’Art nouveau français et belge.

Le mouvement « Art and Craft » est-il ta principale source d’inspiration ?

J’ai un attachement particulier à l’Angleterre et j’aime beaucoup Londres, le quartier Bloomsbury avec ses squares aménagés en jardins, le marché aux fleurs de Columbia Road. C’est aussi début 2000 que j’ai vu là-bas, au Portobello Market, les premiers bijoux recyclés, les influences que j’ai sont toujours un cross-over passé/présent.

Mes racines créatives sont issues du mouvement « Art and Craft » particulièrement, qui très tôt dans l’histoire s’est positionné pour des réalisations artisanales en décalage avec les modèles de “mass production”.

Quel est le style, le sens de La Tonkinoise à Paris ?

Le style particulier de la Tonkinoise à Paris c’est cet assemblage hétéroclite, ce petit pêle-mêle de brocante entièrement fait de pièces de récupération. Les bijoux de La Tonkinoise à Paris sont le fruit d’associations poétiques et décalées, le fait de suivre des thèmes permet de trier en fonction des histoires que je souhaite raconter.

Le sens de sa marque est de renouer avec une production locale, artisanale, faite en France, à l’ancienne et au plus près de mes fidèles clientes à la boutique.

 

 

Comment crées-tu ? As-tu des « rituels » créatifs ?

Mes pièces sont toutes des composition uniques, étudiées et montées à la main dans mon atelier-boutique. Chaque bijou recrée un petit monde de culture française, pont entre passé et présent, dans lequel les époques se télescopent.

La création s’étale sur plusieurs mois. En général cela commence par le rituel des défilés de mode parisiens, ce qui me permet de recouper avec des envies que j’avais déjà. Je chine depuis des années donc je commence d’abord par un tri dans le stock puis je complète en allant aux puces de Saint-Ouen ou de Vanves. L’été j’aime bien faire les vides-greniers bien sûr. J’essaie de composer, combiner les pièces ensemble tous les matins, l’après-midi c’est l’assemblage.

L’idée est de remixer des bijoux anciens avec un twist contemporain en utilisant des petits éléments récents recyclés, provenance des puces. Je mêle la patine de bijoux récupérés, parfois abîmés par le temps à la délicatesse du verre, de pierres semi-précieuses…

Je prends un malin plaisir à donner un second cycle de vie aux bagues, bracelets, broches, montres, perles, chaines ou encore petits objets chinés aux Puces parisiennes et dans les brocantes françaises.

 

 

 

Tu renouvelles chaque mois tes collections, parfois créant des variantes en plus en cours de mois. Ta vitrine est une malle aux trésors, mêlant bijoux, objets, tableaux, cartes postales… Ta créativité est foisonnante !

Où puises-tu toutes tes idées ?

De façon général c’est l’Art qui m’inspire le plus : les expos dans les grands musées parisiens, Beaux-Art magazine plus prosaïquement quand je ne peux pas aller voir les expositions… J’aime beaucoup le cinéma aussi et les interviews d’autres créatifs, que ce soit des musiciens, des réalisatrices, des comédiennes sur France Culture. Je suis particulièrement fan de l’univers de Macha Makeïeff qui est la première, pour moi, à avoir réalisé des décors de théâtre fait de récup’ et d’objets chinés dans la rue.

 

Ce mois-ci tu as choisi d’intituler tes nouvelles collections « Dorléac » et « Alice Guy ». C’est le mois du cinéma (rires) !

Immédiatement « Dorléac » évoque le film Les Demoiselles de Rochefort, film-culte de Jacques Demy, sorti en 1967, dans lequel Françoise Dorléac partage la vedette avec sa sœur Catherine Deneuve.

Le thème « Alice Guy » est presque féministe je trouve, dans le sens positif du terme. Quand on s’intéresse à cette femme exceptionnelle, pionnière du cinéma d’avant Hollywood, c’est incroyable de voir tout ce qu’elle a innové et apporté au cinéma français et américain !

Comme tu te doutes, je vais te demander pourquoi ces choix. Mais avant de nous livrer tes raisons, quelques infos sur le film Les Demoiselles de Rochefort, Françoise Dorléac, puis après la présentation de cette collection, nous ferons un point sur la collection « Alice Guy ».

 

Françoise Dorléac en quelques mots

Françoise Dorléac est née en 1942 à Paris. C’est une enfant rebelle et une adolescente indisciplinée. Elle fait ses premiers pas au cinéma à la fin des année 50, et est également mannequin pour Christian Dior.

Boulimique de travail, elle tourne dans près de 20 films, en français et en anglais, en à peu près 8 ans de carrière

Elle décède tragiquement le 26 juin 1977 d’un accident de voiture alors qu’elle partait de Saint-Tropez pour se rendre à l’aéroport de Nice, et prendre plusieurs avions pour se rendre à Londres. Pourquoi ? Pour assister à la projection en version anglaise de son dernier film Les Demoiselles de Rochefort. Roulant trop vite, sa voiture fait une sortie de route, percute un poteau de signalisation. Son véhicule prend feu, et ne parvenant pas à s’extraire de la voiture, elle y meurt brulée vive. Son corps, carbonisé, est identifié grâce à un fragment de son journal intime et son permis de conduire retrouvés dans la voiture.

Les Demoiselles de Rochefort en bref

Les Demoiselles de Rochefort est un film musical français écrit et réalisé par Jacques Demy, sorti en 1967. Dans ce film dont la comédie musicale est composée par Michel Legrand, Jacques Demy met en vedette Françoise Dorléac et Catherine Deneuve.

Le thème : Delphine et Solange, sœurs jumelles d’une vingtaine d’années vivant à Rochefort. Delphine enseigne la danse et Solange la musique. Elles sont élevées par leur mère, Yvonne Garnier, qui tient un bar sur la place, et accompagnées de leur grand-père et d’une serveuse, Josette. Delphine et Solange n’ont jamais connu leur père et recherchent le grand amour auprès d’un beau jeune homme.

 

Qu’est-ce qui a motivé ton choix pour le thème « Dorléac » ?

J’avais envie d’un thème rétro très français et qui aille « Cap à l’Ouest » vers les côtes nantaises et Rochefort où se joue ce film… J’aime le thème de la sororité et des sœurs jumelles, on ne peut pas penser à Françoise Dorléac sans penser à Deneuve qu’elle a formée finalement… J’adore l’univers pastel et sorbet très précis de Jacques Demy qui a consacré beaucoup de temps aux choix de ses décors, des vêtements des acteurs, comme aux vers en alexandrins de toutes les chansons de ce film.

Quelques extraits de ta nouvelle collection « Dorléac » en ligne sur ton e-shop

 

Alice Guy en résumé…

Pionnière du cinéma, Alice Guy (1873-1968) est à la fois réalisatrice, scénariste et productrice. Elle a travaillé et fait carrière en France et aux USA.

Dès l’âge de 23 ans, elle tourne La Fée aux choux au format argentique 35 mm, devenant ainsi la première réalisatrice de l’histoire du cinéma, 1 an après le film L’arroseur arrosé de Louis Lumière en 1895.

Entre 1902 et 1906 Alice Guy dirige la production d’une centaine de phonoscènes avec le Chronophone, un matériel permettant de conserver l’image et le son, entre autres de prestations de chanteurs d’opéra.

Elle reçoit les félicitations de Louis Gaumont et la médaille de la ville de Milan pour son film La vie du Christ, sorti en 1906, film souvent considéré comme le premier péplum de l’histoire mondiale du cinéma. Elle est également la pionnière du making-of.

Elle réalise des centaines de films, de courte durée et plein d’humour, dont bon nombre mettent en avant des clichés sur le désir féminin comme dans Madame a des envies par exemple, sorti en 1906.

En 1907 elle se marie avec Herbert Blaché, un opérateur issu de l’agence Gaumont de Londres.

En 1910 Alice Guy devient la première femme à créer sa société de production de films aux USA : la Solax Film Co. Solax devient l’une des plus grandes maisons de production, avant l’émergence d’Hollywood !, En 1912 elle réalise A Fool and His Money, premier film joué uniquement par des acteurs afro-américains

En 1919, son mari la quitte. Alors âgée de 50 ans, divorcée et ruinée, Alice décide de rentrer en France en 1922 avec ses 2 enfants.

En 1927, elle retourne aux États-Unis pour tenter de récupérer ses films, sans succès. Les années suivantes elle va écrire des contes pour enfants sous divers pseudonymes, et donne aussi des conférences dans des universités et à l’occasion de rencontres cinématographiques.

En 1968, Alice Guy meurt aux USA à l’âge de 94 ans. Elle n’aura pas pu rassembler les films de sa carrière. Sa biographie, réalisée à partir des interviews de Victor Bachy, est publiée en 1976.

 

Qu’est-ce qui a motivé ton choix pour le thème « Alice Guy » ?

C’est la découverte de son destin hors norme à une époque, La Belle Époque, dont nous ne retenons que les noms masculins : Les Frères Lumière, Méliès quant à la naissance du cinéma…Elle réalise son premier film à 23 ans « La Fée aux choux », en dehors de ses horaires de travail, pour promouvoir la vente des appareils de projection de Léon Gaumont. Elle se désigne elle-même comme « directrice de prise de vue »… Chaque saison je fais un thème noir et blanc avec en tête Charlie Chaplin, Fritz Lang ou Méliès, cette saison il m’a paru pertinent de mettre en avant cette femme oubliée de l’histoire du cinéma en muse du mois de mars…

Des extraits de ta nouvelle collection « Alice Guy » en ligne sur ton e-shop

J’adore cette collection… Ce n’est pas la première fois que je craque pour une de tes créations, que ce soit pour moi ou pour offrir. Là c’est pour la gourmette Albertine que je fonds, un peu comme un sorbet au soleil… Et j’ai hâte de la porter !

 

 

Chantal, as-tu quelques mots pour conclure?

Une dernière info oui. Il y a une BD en préparation sur la vie d’Alice Guy par Catel Muller, seulement je ne sais pas quand elle sera éditée car il va y avoir plusieurs centaines de pages comme la monographie qu’elle avait dessiné sur Joséphine Baker.

 

 

Chantal, merci pour ton accueil chaleureux et ta disponibilité. C’est un vrai plaisir de plonger dans ton univers et de le partager.

Pour celles et ceux qui ont eu un coup de cœur pour les créations La Tonkinoise à Paris, sachez que vous pouvez également confier à Chantal des commandes particulières, véritables créations sur-mesure. Elle travaille également avec vos bijoux anciens devenus trop petits ou cassés, et leur donne une seconde vie pour que vous puissiez les porter à nouveau.

 

Pour suivre ton travail :

https://www.facebook.com/latonkinoiseaparis

https://www.facebook.com/chantal.manoukian.5

https://www.instagram.com/latonkinoise/?hl=fr

 

Pour trouver tes créations :

E-SHOP : https://latonkinoise.bigcartel.com/

FRANCE :

LA TONKINOISE À PARIS – 80, rue Jean-Pierre Timbaud – 75011 PARIS

GALERIE TOILES DE MER – 1, rue du Four – 11440 PEYRIAC-DE-MER

MADAME BLABLA – 20 rue du général Dubail – 56 100 LORIENT

EUROPE :

ARTEMISIA PROFUMARIA DI CARLUCCIO SONIA – Via Vittorio Emanuele II n°65, 10023 Chieri Torino – ITALIE

ÊTRE – Via Vittorio Emanuele 23/E, 12051 Alba – ITALIE

FRIDA – Telesforo Aranzadi Kalea, 3, 48008 Bilbo – ESPAGNE

LE 13 – 13, rue des Rois, 1204 Genève – SUISSE

ASIE :

KIOQUE H.P. FRANCE 1-5-1, Chiyoda-Ku, TOKYO, JAPON

KAORI SHIMOMURA- 102 Jasnam-Avenue 4-8-3 Kitano-cho Chuo-Ku KOBE-CITY Hyogo-pref 650-002 – JAPON

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